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LES DEFIS DE L'AFRIQUE CONTEMPORAINE

« L’Afrique n’est pas marginale du système mondial. Elle y est pleinement  intégrée comme les autres régions du monde, dominantes et dominées. Elle est même (curieux que ça peut l’être) davantage, en termes relatifs, intégrée dans le système mondial que le sont les autres régions du monde. Et ses problèmes viennent peut être dans le fait non pas parce qu’elle n’est pas intégrée mais parce qu’elle est trop intégrée et en plus très mal intégrée dans le système mondial », C’est en ces mots que l’invité du Carrefour d’actualité du Cesti, de ce mercredi 14 février 2017, le professeur Samir Amin a débuté son exposé devant les étudiants du CESTI. Durant 1h30mn, il a pu revenir sur l’intégration de l’Afrique dans la mondialisation mais aussi les défis que les pays du continent devront relever pour sortir définitivement du joug colonial.
 

Samir Amin est « un éminent professeur d’économie politique du développement. Il est le directeur du forum du Tiers-Monde. Il a enseigné l’économie dans les Universités de Poitiers, Paris et de Dakar. Il a beaucoup publié sur le droit, la société civile, le socialisme, le colonialisme et le développement, particulièrement en Afrique et dans le monde Arabe et Islamique », Nous renseigne M. Thierno DIOP, Professeur en Sociologie Politique au CESTI.
A n’en croire M. Amin, les problèmes que vivent les Africains résultent certainement d’une brutale et triste intégration dans un système qui leur sont inconnu. Cette intégration de l’Afrique dans le système mondial ne s’est pas faite du jour au lendemain. En effet, explique-il, « bien avant la Chine, bien avant le Japon, bien avant le moyen orient, bien avant d’autres régions du monde, l’Afrique a été intégrée dans le système mondial à partir du XVème et XVIème siècles avec la Traite Négrière ». Pour Samir, Même si les africains de l’époque ne savaient pas qu’il existait un système mondial, ils y étaient intégrés. Le continent Africain a été intégré comme « périphérie de la périphérie principale en construction en Amérique ». C’est-à-dire que l’Afrique a permis de relai en fournissant une forte masse de main-d’œuvre à la construction de l’Amérique du Nord. Pour Samir Amin, cette phase d’intégration  reste la plus brutale. C’est, pour l’Afrique, « la pire des choses de son évolution» dira-t-il. En outre, cette première phase  qu’est la traite négrière aura causé de véritables dommages pour le continent Noir, surtout en termes de populations et d’organisations sociales.  En effet,  « la traite négrière a occasionné une forte régression de la population continentale.  « La population africaine représentait 18% de la population mondiale avant la traite négrière et en représente à peine 6 ou 7%, deux siècles plus tard ». Mais également une régression des formes d’organisations sociales par la constitution de royaumes guerriers dont la fonction principale était « la chasse aux nègres pour les vendre aux négriers », s’attriste le politico-économiste.
Et de poursuivre avec la deuxième phase d’intégration. Il dira qu’ « à l’époque coloniale, on ne parlait pas de développement mais de mise ne valeur des colonies. » C’est-à-dire « soutirer, tirer ce que l’on peut tirer des richesses de ces colonies, richesses naturelles et la force de travail de ses paysans. Cette phase est marquée par la mise en place de politiques économique dont " les économies de traites " qui constituent une forme brutale et appauvrissante », souligne-t-il. Samir Amin va plus loin en affirmant que cette politique économique n’était pas une forme de développement mais une forme « de développement du sous-développement, de l’open développement de développement de croissance apparente associée à l’appauvrissement des producteurs ». C’est dire que contrairement à ce que l’occident dit, le colonialisme n’a profité qu’au monde occidental. Et assure qu’il continue toujours d’en profiter surtout que « les économies de réserves » sont toujours en place, le Franc CFA en reste un exemple ».
Il est certain que  tout ce processus d’intégration a retardé ce que Samir AMIN appelle « la révolution agricole de l’Afrique ». Pour lui, il s’agit de  « la transformation de la production agricole et la croissance très forte de la productivité par  travailleur d’une famille de producteurs sur un hectare ». En effet, il considère  qu’au lieu de vouloir péniblement moderniser l’Agriculture artisane, les pays du continent devront entreprendre à transformer eux-mêmes ce que cette Agriculture traditionnelle produise. En transformation, par exemple, « l’arachide et le cacao en chocolat » dira-t-il.  Toute de même, il regrette de constater que  le modèle coloniale est toujours en place  dans ses mêmes formes. Il dira que « Jusqu’aujourd’hui, partout dans le continent Africain, Les économies de traites et les économies de réserves restent les mêmes ». Et de prévenir l’homme des politiques économiques que «  ce modèle capitaliste n’est pas néocolonial pour l’Afrique mais paléo-colonial ».
Pour Monsieur Samir, «  le défi est de sortir de cette sorte d’intégration du système colonial. Pour parvenir à imposer, éventuellement à des degrés divers et graduellement, d’autres formes d’intégrations à un autre système mondial en transformation ». C’est donc le défi de tout l’Afrique et de tous les Africains.  Mais Relever ce défi passera par deux choses fondamentales, prévient-il. Il faudra systématiquement entrer dans l’industrialisation et mener une révolution agricole au vrai sens du terme. Car, dit-il, « Il n’y pas de progrès agricole possible sans industries pour la supplier ».  Mais industrialisation ne veut pas dire avoir plusieurs industries. Pour ce monsieur, Ça veut dire beaucoup plus que ça. « L’industrialisation ne se mesure pas à la quantité (des travailleurs, des salariés du secteur industriel ou nombre des établissements…) parce qu’une série d’établissements industrielles sans connexion entre eux ne constitue pas un système industriel. L’industrialisation est synonyme de construction de système industriel lors que les industries deviennent principalement et de plus en plus des fournisseurs et des marchés les unes pour les autres ». Malheureusement il y a des industries  dans chaque pays du continent mais pas d’industrialisation assurément. Et pour la révolution agricole, Samir défend qu’elle ne doit  pas être « seulement agricole au sens de la ressource, la terre, l’eau et le soleil mais au sens de la richesse constiper par cette ressource et les êtres humains de société qui en vivent et peuvent en vivre mieux ». C’est-dire, « la transformation de l’économie paysanne » comme l’a fait de la Chine.



On aura compris que le défi est lourd mais pas impossible. Mais il faudra aussi prendre en considération les problèmes liés aux glissades, le tribalisme, le fanatisme ou encore l’extrémisme pour ne pas dire le terrorisme.


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