L'entrée de la prison de Rebeuss, Dakar, Juillet 2005/AFP |
L’ancien ministre sénégalais de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a affirmé en mars dernier que les femmes représentaient 3 % de la population carcérale du Sénégal et que 80 % y étaient pour des affaires d’infanticide. La première déclaration est globalement correcte, la seconde est incorrecte. Article check réalisé par Souleymane Diassy pour Africacheck.
Invité de l’émission D'Clique sur la télévision privée sénégalaise TFM, le 23 mars 2021, le professeur Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, a affirmé que « 3 % des personnes dans les prisons sénégalaises sont des femmes et 80 % des femmes y sont pour des affaires d'infanticide ».
Nous avons essayé d’entrer en contact avec Ismaïla Madior Fall pour connaître ses sources. Mais nos multiples tentatives ont été infructueuses. L’article va être actualisé quand nous recevrons une réponse de sa part.
Au Sénégal, les femmes constituent près de 3 % de l'effectif carcéral
La Division de la législation, des statistiques et des établissements pénitentiaires – une entité de la Direction de l’administration pénitentiaire – nous a transmis les données globales de l’année 2020 sur lapopulation carcérale totale.
Nous avons examiné la déclaration d'Ismaïla Madior Fall selon laquelle 3 % des personnes dans les prisons sénégalaises sont des femmes, sous trois aspects : l’effectif carcéral, le total des personnes écrouées et la population pénale.
Pape Diouf, surveillant général et statisticien à la Direction de l’administration pénitentiaire, explique que l’effectif carcéral concerne l’ensemble des détenus (prévenus comme condamnés) présents dans les établissements pénitentiaires à une date donnée (le 31 décembre de chaque année est pris comme période de référence au Sénégal, après la grâce présidentielle).
Quant au total des personnes écrouées, il s’agit de l’ensemble des personnes qui ont été placées sous mandat de dépôt durant l’année.
Enfin, la population pénale fait référence à l’ensemble des
personnes qui ont fait la prison (les prévenus, les écroués et les libérés). On
fait la somme des écroués et de l’effectif présent au 31 décembre.
En tenant compte de l’effectif carcéral, c'est-à-dire
l’ensemble des détenus (prévenus et condamnés) présents dans les établissements
pénitentiaires, l’administration pénitentiaire sénégalaise a recensé, au 31
décembre 2020, 10 530 personnes dont 288 femmes, soit 2,73 %. Ce qui n'est pas
loin des 3 % évoqués par Ismaïla Madior Fall.
Pour les personnes écrouées, c'est-à-dire l’ensemble des personnes qui ont été placées sous mandat de dépôt durant l’année, elles étaient 23 426 au 31 décembre 2020, dont 1 131 femmes (4,8 %).
En ce qui concerne la population pénale, c'est-à-dire l’ensemble des personnes qui ont fait la prison (les prévenus, les écroués et les libérés), il y a 33 956 personnes dont 1 419 femmes (soit 4,17 %).
Seules 1,95 % des femmes écrouées l'étaient pour infanticide
en 2020
Le document reçu de l'administration pénitentiaire indique
que ce sont les coups et blessures volontaires qui constituent la principale
infraction chez les personnes de sexe féminin. Ainsi au 31 décembre 2020, sur
les 1 131 femmes écrouées, 268 (soit 23,7 %) l'ont été pour cette infraction.
L'infanticide représentait 1,95 % (22 femmes en prison) pour ce motif.
L'administration pénitentiaire n'a toutefois pas donné le détail de l'effectif carcéral des personnes de sexe féminin par type d'infraction. Mais, même à supposer que toutes les femmes écrouées pour infanticide (22) font partie de l'effectif carcéral féminin au 31 décembre 2020 (288), leur part ne représenterait pas 80 % mais 7,64 %.
🇸🇳 L’ex-ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a affirmé que les femmes constituaient 3 % de la population carcérale du #Senegal et que 80 % y étaient pour infanticide.
— Africa Check_Fr (@AfricaCheck_Fr) June 28, 2021
La 1ère déclaration est globalement correcte, la seconde est incorrecte.
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