Ils ont quitté leur village pour rejoindre
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais, ils n’ont pas pour autant oublier
le sens de la vie en communauté. Dans leur chambre, les frères Diouf et leurs
cousins Sarr, originaire du village de Pouth, entretiennent une sulfureuse vie
de famille dans un malheureux désordre.
Sous la lueur
grandissante du crépuscule de ce jeudi, les couloirs de l’université se vident
petit à petit de leur monde. Un vent frais souffle au sein du campus social. 19
heures à l’entrée de la porte du
Pavillon D, les mouvements se multiplient.
Un groupe de quatre
étudiants discutent en rond en bas du bâtiment alors qu’un autre groupe de plus
de 15 étudiants rejoint l’intérieur. Juste à droite, trois entre eux, les
frères Cheikh, Abdou et Khadim Diouf, montent les manches des escaliers menant
au 1er étage. Des voix, des
pas et de la musique font écho dans le bâtiment.
En moins d’une minute, ils arrivent en
premier. Ils posent quelques pas en avant vers la gauche dépassant ainsi des
toilettes en piteux état. De là, ils traversent un petit couloir, très mal
éclairé avec une ampoule économique, et marchent jusqu’au fond.
Arrivés devant la chambre 42 (la dernière de
l’alignement), le cadet, Abdou, toque deux fois à la porte fermée à clés depuis
l’intérieur. La minute qui suit, leur grand frère Demba, habillé en sous-vêtement
blanc avec un large sourire, les invite à entrer dans cette petite pièce mal éclairée
plongée dans un entrain général.
Le désordre y règne en maitre
Ils sont six étudiants
à devoir se partager l’espace. Originaires du village de Pouth dans la région
de Thiès, ils dorment à deux par lit à l’heure du couché. Dans cette petite
pièce prévue pour deux étudiants, ils ont voulu se faire de la place pour
s’entre aider. « La chambre est
codifié à mon nom et celui de mon cousin Ablaye. Mais nous avons voulu la
partager avec non jeunes frères », confie-Demba.
A droite de l’entrée,
se trouve une armoire à deux battants dans lesquels sont entassés des habits et
des cahiers. Trois valises et divers matériels cachés par un drap blanc très
poussiéreux sont posés au-dessus de l’armoire. En face, un petit lavabo est
aménagé, un petit pot rouge y sert de réceptacle pour brosses et pates
dentifrices. « C’est chez nous ! »,
s’exclame Demba, en train de se rincer le visage au niveau du lavabo.
Tout juste à côté, un carton de taille moyenne
est posé, servant d’un dépotoir d’ordures. Un mini mur de 50 centimètres sépare
ces installations des deux lits de la chambre. Disposés l’un face à l’autre,
ces couchettes comptent chacune deux petits matelas. Deux autres sont à terre et
occupent ainsi la quasi-totalité de l’espace, laissant à peine un tout petit
chemin.
Au fond, une longue
table est fixée sur le mur. En plus des cahiers et livres, quelques tasses, des
plats et assiettes y sont déposés. Une corde est fixée en haut derrière un rideau
blanc très poussiéreux couvrant les vitres de la fenêtre. Là aussi, sont
attachés quatre serviettes, trois caleçons et des gants de toilette (communément
appelés Djiambé en Wolof). La « petite
famille » discute de tout et de rien en se marrant de temps en autre.
Pour le diner, les œufs sont là !
Pendant que perdure ce
moment, Ablaye est lui fixé sur son écran d’ordinateur. Les écouteurs à
l’oreille, il regarde une série américaine. En face de lui, son frère Modou
discute avec les autres tout en manipulant son téléphone.
L’horloge tourne et à 20 heures 05 minutes,
les deux cousins décident de se rendre à l’un des restaurants du campus pour le
diner. Ils sont accompagnés par les frères Cheikh et Khadim. L’ainé et le cadet
préfèrent rester pour préparer eux-mêmes de quoi manger. « Boy, j’ai
galéré hier nuit à cause de cette nourriture », s’attriste Demba en
s’adressant à ces quatre colocataires. Il leur raconte qu’il a souffert de maux
de ventre la nuit du jeudi après s’être rendu au restaurant pour s’alimenter.
Le cadet lui ne
« mange jamais » aux restaurants. Il est allé chercher cinq œufs en
bas de la table. Abdou se charge d’en faire des omelettes sans d’autres ingrédients.
Il sort le réchaud à gaz, pour les besoins de la cuite.
En attendant de finir
la cuisson, l’ainé parte acheter du pain. 15 minutes passées, Demba est de
retour avec deux baguettes de pain et un sachet d’épice alors que son frère
cadet à terminer les omelettes.
L’odeur du plat envahie
la chambre très encombrée. « Nous en sommes habitués », révèle Abdou. Il
raconte qu’à son arrivé en 2015, il lui était difficile de s’adapter aux
conditions de vies dans le campus social. Mais à ce jour, il s’est familiarisé
totalement de la vie estudiantine.
Ni bavarde, ni trop timide
Le temps de
finir à manger, la bande à quatre revient. Visiblement déçus de leur mangé, ils
demandent le reste des omelettes. « Ils nous ont servi de petites
assiettes de tarte de pomme de terre sans saveur », dénonce-Modou,
étudiant en licence 2 à la faculté de médecine. « Comment peut-on vivre dans
cette galère en tant qu’étudiant dans son propre pays… Est-ce cela la vie d’un
futur médecin ? », S’interroge-t-il d’un ton révolté. « Il faut que ça change !»,
ajoute son frère Abdou, étudiant en licence 3 à la faculté des lettres modernes,
en train de sortir ses cahiers.
Un silence
d’une minute s’invite dans la pièce. Ils ne disent plus rien. Modou rejoint son
frère sur la table pour réviser. Il sort un ouvrage et un bloc note. « Je
prépare un exposé », signale-il. Pendant ce temps, de l’autre côté des
lits, ses quatre autres colocataires somnolent.
Visiblement très fatigué, Khadim lui préfère
faire son lit pour se coucher. « J’ai eu une longue semaine. Je dois me
reposer », raconte-t-il, le visage bien fermé. Moins d’une demi-heure, il
est suivi par le reste du groupe.
Par
Julio
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