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Le lendemain de pâques est aussi
une journée de festivité à Mboro. Après 40 jours de jeûnes et de recueillement,
des fidèles catholiques ressortissants de la Casamance regroupés au sein de l’association
des « Kounimaboucou » (les mariés en langue Diola) organisent leur traditionnelle
soirée du vin de palme récolté le dernier vendredi saint afin de mêler la
tradition à la fête religieuse. Reportage.
Le soleil est à
l’horizon à Mboro. En ce début de soirée, un vent très frais souffle sur la
commune. L’ambiance festive de la veille
est toujours d’actualité au quartier Diamaguène. Ce secteur est habité dans sa
majorité par des ressortissants de la Casamance (au Sud du pays). Ici, la fête
continue pour les mariés catholiques. Au menu, boire du vin de palme récolté à la fin du carême.
Il est 19 heures
30 minutes et comme des oiseaux migrateurs, les buveurs de ce vin sorti d’une
longue fermentation arrivent presque tous à la même heure dans la maison des « Diattacounda » (chez la
famille Diatta). Ils n’ont qu’un seul objectif, prolonger la fête avec du bon
vin local dans ce quartier réputé pauvre et fêtard. Les salutations en langue
Diola « Kasoumaye » figent
de partout. D’un bon nombre de plus de quarante personnes, ils sont venus en couples,
bras dessus bras dessous. Ils sont accueillis par les hôtes du jour, Kati et
son mari Bernard Diatta qui les mettent à l’aise dans la cour de la maison.
De longs tabourets pour quatre personnes ainsi
que de petites calebasses sont installés autour d’un grand manguier. Au sol, A quelques
pas de la cuisine, deux jeunes filles en pagnes traditionnelles reçoivent des consignes
de leur mère pour le service. « Ne
servez pas tout le vin maintenant ! », les ordonne-t-elle.
Placé tout près de
la porte, le Dj allume lui la musique à fond. Une sélection de chansons
traditionnelles est choisie pour animer la nuit. Pas de temps à perdre. Trois
couples dansent sous les applaudissements et rires des autres. Courbés, les
mains en avant, ils secouent les pas allant d’un sens à autre.
Mme Kati en
profite avec ses filles pour servir quelques gorgées de vin dans un pot à ses
invités. « C’est un pur
nectar », « c’est
fort » approuve l’assistance. « C’est
un régal » s’écrie Pierre Badji, déjà en sueur sous sa chemise blanche.
Une vielle
tradition exportée du Sud du pays
Communément appelé
« seung » à Mboro comme partout ailleurs en langue wolof, ce vin de palme ne se
boit ici que dans de petites calebasses. Récolté au niveau des « niayes », les
champs de palmiers et de cocotiers non loin du quartier, ce liquide blanchâtre
est obtenu après fermentation de la sève du palmier à huile. Elle est
recueillie dans des bouteilles placées sous des entailles faites à l’aide d’un
couteau après nettoyage du tronc. Fraichement récoltée, elle est très
désaltérante pour certains et est souvent servie aux nouveaux nés pour combler
le déficit de lait maternel. Mais, conservé dans un milieu humide et sombre, la
sève se fermente naturellement, sans additif et devient du vin alcoolisé.
Pour cette fête
d’après pâques, le vin est recueilli spécialement le dernier vendredi saint marquant
la fin du jeûne pour la majorité des catholique de cette localité. Il est
ensuite gardé pour être consommé le mardi soir. « C’est du vin béni » croit la dame Kati. « Il est récolté au soir d’un jour saint
donc il est béni par le seigneur » explique-t-elle sans vouloir en dire
plus sur sa pensée spirituelle.
Non sans en
rigoler, le vieux Albert, assied juste à côté d’elle, préfère lui parler de
culture. Il soutient qu’il s’agit plutôt d’une vielle tradition connu du village
de Bassire en Casamance. « Nous
l’avons connu de nos ancêtres et nous avons le devoir de perpétuer la
tradition », révèle-t-il. A
le croire, l’idée est de laisser fermenter le vin tout au long du weekend en
plus du lundi pour le boire très aigre afin de profiter en « famille » de tous « ses vertus ».
Un prix trois fois supérieur au tarif habituel
La musique ne
s’arrête pas, les mariés continuent à danser sans trop penser à l’horloge qui
affiche maintenant 21 heures 15 minutes. Le service continu tout de même. Cette fois ci, Kati sert une
bonne quantité à ses invités regroupés par affinité.
« Le
goût est unique et extraordinaire », s’émerveille Morris Tendeng, un
agent des ICS à la retraite, la petite calebasse bien serrée entre ses pieds.
Son frère Christophe en face de lui renforce sa pensée. Il assure que « ce vin caresse le palais et laisse
une agréable saveur à la gorge ». Un brin d’humour qui fait rire à ses
« frères » d’à côté.
Cette fête fait
les affaires de l’association. Si les dépenses ne sont pas nombreuses, le
bénéfice est quant à lui considérable. Le
prix du vin de palme est revu à la hausse pour cette soirée. Le litre est vendu
à 1000 FCFA au lieu des 300 francs en temps normal.
Une
situation loin de déplaire aux occupants du lieu. « Le prix importe peu » murmurent-ils. En plus d’une
cotisation annuelle à hauteur de 10 000 FCFA versée à la caisse de leur
organisation, ils n’hésitent pas à
appuyer l’organisation de ce « mardi de pâques ». Une jeune
mariée en pagne traditionnelle ne tarde d’ailleurs pas à signaler que «
cette ambiance n’a pas de prix ».
2 heures de fête s’écoulent
sous l’emprise du vin de palme. L’odeur de l’alcool est très forte. Elle est
presque irrespirable pour certains.
L’ivresse commence à se sentir. Les voix
changent, ils se tiennent difficilement debout. Ils sont maintenant nombreux à
être saouls. L’un deux est lui assis au sol, visiblement il ne peut plus tenir.
Mais n’empêche, il continue à boire et regarde les autres danser tant bien que mal comme
s’ils voulaient rattraper le temps perdu.
Des moments de retrouvailles en famille
Privés d’alcools
et de viandes tout au long du carême, ces fidèles catholiques profitent de
cette soirée pour «se remémorer des
bons vieux temps de fête au village ». Pour le vieux Clément Samb, le
chef du quartier, par ailleurs président de l’association, « cette fête leur rappelle beaucoup la bonne ambiance qui régnait
au village les semaines de fête ». Il ajoute qu’ils ont voulu
maintenir la communion au sein de leur communauté raison pour laquelle, ils
tiennent annuellement ce jour de fête. « C’est ce côté rustique et
ambiance qui attirent autant de monde. Nous nous sentons vraiment chez nous »,
rajoute Emilie son épouse, heureuse d’être présente comme son mari.
Même si elle ne
boit pas d’alcool, Agathe s’épanouie aussi dans cette ambiance. Elle chante et
danse avec son mari. A ce moment, ils sont les seuls à occuper le cercle de
danse. Ils éclipsent ainsi les « ivres » restés assis, ne peuvent
plus danser correctement. « C’est
très spécial de se retrouver entre cousins et cousines après le carême.
Nous respirons une forte
fraternité » s’exclame Henriette Sagna, une jeune mariée, elle danse
en compagnie de son mari tout en évitant de toucher au vin. « L’essentiel n’est pas de boire mais
de participer à la fête », ajoute-elle à la fin.
Par Julio,
Une festivité décriée par les voisins et l’Eglise
La
traditionnelle fête du vin de palme fermenté de plus trois jours, organisée
depuis 3 ans par l’association des mariés catholiques diolas, est souvent
critiquée tant par le voisinage que par des membres de l’église Jésus Ouvrier
de Mboro.
Ces
derniers réfutent toute connotation
religieuse qu’en prêtent certains sur la valeur spirituelle de ce vin
récolté au soir du vendredi Saint. Pour l’Abbé François, « cette pratique n’a rien de catholique ». Il préfère
parler plutôt de fête intercommunautaire de paix et de fraternité. « la
fête de pâques se termine le lundi », rappelle-t-il.
En
dors de la problématique religieuse, le tapage causé par la forte musique n’est
pas du goût de certains voisins. Ablaye Cissé, habitant à 100 mètres de la
famille Diatta (Chez Kati), fustige ce « dérangement dans la nuit »
sans polémiquer sur la différence de religion. « Nous vivons en bonne harmonie avec nos amis catholiques. Ils
nous invitent toujours pour les repas de pâques. Mais le volume sonore de leur
fête du mardi soir est trop fort et nous empêche même de bien suivre la
télévision ou de dormir à cette heure », témoigne-t-il. Il en ajoute « la mauvaise odeur du vin » qui
se sent jusqu’à chez lui.
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